Au sein d’une unité de stérilisation, la fonction de conducteur d’autoclave est un poste à responsabilités. La personne habilitée à cette fonction est responsable de la constitution de la charge en respectant la composition type définie et validée lors des qualifications [1]. Au terme du processus de stérilisation, ce professionnel libère la charge et met à disposition du bloc opératoire le matériel chirurgical stérile. En cas de problème sur les paramètres de stérilisation, il doit en informer son encadrement pharmaceutique.
La formation continue du personnel en stérilisation est une obligation à laquelle les établissements de santé doivent répondre [2]. Il existe des sessions de formation extérieures qui permettent de valider ou de consolider les connaissances. Les unités de stérilisation peuvent également organiser ces sessions en interne [1,2]. La validation des acquis théoriques et des dispositions de sécurité pour la fonction de conducteur d’autoclave est obligatoire [3,4]. Le contenu de cet enseignement reprend les bases théoriques sur le fonctionnement d’un autoclave et les notions de sécurité indispensables à connaître. En interne, notre formation inclut également des connaissances sur les paramètres permettant la validation d’un cycle.
D’autre part, l’apprentissage par la recherche d’erreurs est une approche relativement nouvelle dans le domaine de la santé. De nombreuses expériences ont été réalisées au sein de structures de soins. La chambre des erreurs [5,6,7] ou le bloc des erreurs [8,9] sont des exercices de formation maintenant couramment employés dans les établissements.
Cet article se propose de décrire la mise en place d’une séance de formation, avec le personnel conducteur d’autoclave, sous la forme d’une charge des erreurs.
Matériels et méthode
La première étape de cette initiative a été de lister toutes les erreurs possibles sur une charge type de notre activité. Ce travail a été réalisé par le personnel encadrant du service : la cadre de stérilisation et le pharmacien responsable. La liste des erreurs est présentée en Tableau I. Différents items ont été définis, afin de classer les erreurs par grands thèmes (emballages ou éléments de traçabilité). À partir de cette liste d’erreurs, la constitution d’une charge d’autoclave de formation a pu être réalisée. Les différentes erreurs ont été intégrées à d’autres éléments constitutifs d’une charge. L’ensemble du matériel utilisé correspond aux dispositifs employés au sein de notre bloc opératoire. La disposition des différentes erreurs a été réalisée de manière aléatoire par l’encadrement du personnel.
La deuxième étape de notre étude a été de mettre en situation les professionnels. Pour cela, un scénario a été proposé aux candidats : « Votre collègue en charge de la validation des cycles d’autoclave a dû quitter son poste en urgence et vous devez le remplacer. Aucune transmission n’a été réalisée. » Le candidat devait donc procéder à une vérification intégrale de la charge avant sa libération. Les agents disposaient de 10 min maximum pour valider la charge, mais pouvaient arrêter l’exercice à tout moment. Afin de relever les erreurs découvertes, une grille de recueil des données a été rédigée. Ce document reprenait la liste des erreurs, en y indiquant si le dysfonctionnement avait été trouvé ou pas. L’encadrement complétait cette grille au fur et à mesure sans donner aucune indication au candidat. L’agent devait dire à haute voix tout ce qu’il voyait de problématique.
À la fin de l’exercice, un débriefing était réalisé, afin de faire le point sur les erreurs trouvées et celles non mises en évidence. Ce moment d’échange permettait également de rappeler certaines règles de bonnes pratiques.
Pour finir l’exercice de formation, chaque candidat devait compléter un questionnaire de satisfaction. L’appréciation de l’exercice, son intérêt dans la pratique quotidienne ainsi qu’une note globale étaient demandés au candidat.
Résultats
Au total, 17 erreurs ont été introduites dans la charge test. Majoritairement, les dysfonctionnements proposés concernaient les emballages. Pour les sachets, les problèmes portaient sur :
- la qualité de la soudure ;
- la protection des objets pointus ;
- la recherche d’un trou ;
- la vérification du double emballage.
Pour les conteneurs, les candidats devaient trouver une absence de scellé et de filtre, un échange entre deux couvercles et une information illisible sur un instrument manquant. Une boîte lourde a été également disposée en hauteur de la charge, contrairement aux recommandations internes sur la disposition des charges lourdes. Enfin, des erreurs concernant des éléments de traçabilité ont été disposées dans la charge test. Il s’agissait d’une inversion de feuille de charge ainsi que deux erreurs d’étiquetage d’emballages.Au total, six agents de stérilisation ont passé cette épreuve sur un effectif de neuf professionnels validés pour la fonction de conducteur d’autoclave. Les trois agents manquants étaient absents au moment de ce test. Cette étude s’est déroulée sur une matinée. À noter qu’un agent non-conducteur d’autoclave mais validé sur les secteurs du conditionnement et du lavage a également participé à cette étude.
Les caractéristiques de notre population de personnel étaient les suivantes :
- L’ancienneté moyenne au sein du service est de 70 mois [12-264]. Sur l’année 2016, ces professionnels ont validé en moyenne 418 cycles chacun [0-1222].
- Le temps moyen passé pour valider la charge a été de 7 min 16 s [de 4 min 50 s à 10 min]. Seulement un agent a utilisé tout le temps autorisé pour cet exercice.
- 59,7 % du total des erreurs a été découvert par notre échantillon. La Figure 1 détaille les résultats par agent.
L’absence de filtre dans un conteneur et l’utilisation d’un simple emballage pour un sachet ont été les erreurs découvertes par tous les agents. A contrario, le sachet troué par un objet pointu n’a été trouvé par aucun agent. Le détail des pourcentages de découverte des différentes erreurs est présenté en Figure 2.
Pour le questionnaire de satisfaction, le pourcentage de retour a été 85 % (6 agents ont fait un retour). La totalité des réponses montre que cet exercice correspondait à la réalité du poste. Mais 66 % (4 sur 6 réponses) ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances. La note globale de satisfaction était de 9,6/10.
Discussion
Cette première expérience a permis de tester le concept de charge des erreurs. Seul un article affiché lors d’un congrès a été publié sur cette démarche [6]. Pour Villeneuve et al., le pourcentage d’erreurs détectées a été de 51 %. Ce chiffre est inférieur aux résultats obtenus dans notre travail, mais l’effectif sollicité était beaucoup plus important (19 professionnels versus 6 pour notre test). La différence de pourcentage n’est pas significative. En revanche, les résultats de l’enquête de satisfaction montrent que le personnel, dans les deux expériences, ne semble pas avoir acquis de nouvelles connaissances (53 % versus 66 % dans notre étude).
L’utilisation du jeu pour les sessions de formation est une approche relativement nouvelle en santé et notamment en stérilisation. Une expérience récente reposant sur l’utilisation du principe du Trivial Poursuit® a été publiée [10]. Cette initiative est proposée pour la formation continue des aides-soignants d’une unité de stérilisation. Cette approche nouvelle des sessions de formation semble avoir de bons résultats pour le personnel.
Notre expérience peut présenter certains biais. Tout d’abord, l’effectif de notre population est faible. Ce point peut avoir des répercussions sur les résultats statistiques obtenus. Mais ce petit nombre de participants correspond à notre effectif d’agents validés sur la fonction. Une deuxième session est prévue pour les professionnels non présents pendant la première formation.
D’autre part, notre population présente de grande disparité au niveau de l’ancienneté et de l’activité de validation de la charge. Ces deux points peuvent s’expliquer par la gestion et l’organisation des effectifs au sein de notre unité. De même, les résultats du questionnaire de satisfaction sont à interpréter avec prudence. La faible taille de notre échantillon influe très probablement sur les résultats.
En raison de l’absence d’expérience similaire disponible dans la littérature, la méthodologie employée peut être discutée. Le choix des erreurs a reposé sur les connaissances et les expériences des deux encadrants. Une recherche bibliographique sur ce sujet aurait peut-être permis de définir des erreurs plus pertinentes.
Conclusion
Cette première expérience a permis de tester la mise en place de cette activité de formation. Proposer des situations qui se rapprochent le plus possible du « terrain » permet de faciliter l’adhésion du personnel. Les retours positifs de cette étude vont permettre de poursuivre le plan de formation du personnel. La prochaine étape va consister à proposer une formation spécifique sur l’un des items qui n’a pas obtenu de score important. Puis, de nouveau, une nouvelle charge des erreurs sera incluse dans le processus de formation, afin d’évaluer l’acquisition des pratiques professionnelles.