Objectifs
L’antibiorésistance est une problématique majeure en santé humaine comme en santé animale et constitue un axe de travail du programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) 2015 et de la feuille de route interministérielle de maîtrise de l’antibiorésistance [1]. La dispensation des antibiotiques se fait à 93% en médecine de ville et à 7% en établissements de santé ; parmi ceux dispensés en ville, 15% relèvent d’une prescription hospitalière [2]. La consommation inappropriée d’antibiotiques participe à l’émergence de la résistance bactérienne. L’évolution des résistances bactériennes aux antibiotiques doit être surveillée dans tous les secteurs de soins afin de permettre la réactualisation des recommandations de bon usage des anti-infectieux si nécessaire pour tenter d’éviter les situations d’impasses thérapeutiques.
La mission nationale Primo (surveillance et prévention de la résistance aux antibiotiques et des infections associées aux soins en soin de ville et secteur médico-social) a été affectée au CPias des Pays de la Loire par Santé publique France pour une période de 5 ans (2018-2023). La mission Primo collecte et exploite les données de résistance fournies par un réseau de groupements de laboratoires de biologie médicale de ville (LBM).
Producteurs
Un réseau de plus de 1 000 LBM de ville volontaires pour transmettre leurs données de résistance, répartis dans les 13 régions métropolitaines.
Méthode
Données recueillies
Seuls les prélèvements à visée diagnostique examinés par les LBM pour les patients vivant à domicile ou résidents en Ehpad sont analysés. Les données recueillies sont :
- Antibiogrammes réalisés pour les espèces bactériennes suivantes : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Klebsiella aerogenes, Enterobacter cloacae complex et Staphylococcus aureus.
- Phénotypes de résistance aux bêtalactamines le cas échéant.
- Données concernant les patients (âge, sexe, mode d’hébergement [Ehpad, domicile]) et le type de prélèvement.
La transmission des données des LBM à la mission Primo est effectuée par le téléchargement de bases de données sur l’e-outil MedQual-Ville (www.antibioresistance.fr) ou par envoi de fichier brut par e-mail. Cette collecte de données a fait l’objet d’une déclaration à la Commission nationale informatique et liberté (Cnil, n°1685003 - v0 datant du 4/07/2013).
Critères d’exclusion
Les antibiogrammes provenant des établissements de santé privés et publics (hors unités pour personnes âgées dépendantes du suivi Spares), ainsi que les prélèvements à visée de dépistage (recherche de portage) sont exclus de l’analyse.
Analyse des données
Les données sont dédoublonnées, c’est-à-dire que ne sont inclus que les premiers prélèvements des patients présentant une espèce bactérienne donnée avec le même antibiogramme, les prélèvements itératifs sont exclus. La cohérence des antibiogrammes est évaluée selon les recommandations du comité de l’antibiogramme de la Société française de microbiologie (CA-SFM).
Les pourcentages de résistance pour chaque antibiotique testé au sein de chaque espèce sont calculés au niveau global (tous les LBM du réseau), régional et départemental.
Principaux résultats
L’analyse des 580 000 antibiogrammes collectés en 2019 auprès de 1 016 LBM dans les 13 régions de France métropolitaine révèle les éléments suivants :
- E. coli isolées de prélèvements urinaires :
- 3,4% des souches résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G) chez les patients vivant à domicile (3% par production de BLSE) ;
- 9,9% des souches résistantes aux C3G chez les patients vivant en Ehpad (8,7% par production de BLSE) ;
- 11,4% de résistance aux fluoroquinolones (FQ) chez les patients vivant à domicile avec stabilisation des taux depuis 2017 ;
- Diminution de la résistance aux FQ en Ehpad passant de 20,0% à 19,1% en 2019 ;
- 25 souches d’E. coli (0,06 pour 1 000 antibiogrammes) productrices de carbapénémase isolées en ville.
- K. pneumoniae isolées des prélèvements urinaires :
- 7,7% de souches résistantes aux C3G par production de BLSE et 11,0% des souches résistantes aux FQ chez les patients vivant à domicile ;
- 15,7% de souches résistantes aux C3G par production de BLSE et 20,2% aux FQ chez les patients vivant en Ehpad ;
- 30 souches de K. pneumoniae (0,8 pour 1 000 antibiogrammes) productrices de carbapénémase isolées en ville.
- S. aureus :
- 30 675 antibiogrammes de S. aureus ont été collectés, dont 9,3% de Sarm isolés de tous types de prélèvements à l’exclusion des urines chez les patients vivant à domicile.
Points forts
- La méthodologie est simple et facilement adoptée par les biologistes participants au réseau.
- Le réseau dispose de données depuis 2012.
- Le réseau dispose de données de résistance pour toutes les régions métropolitaines en 2019.
- Les données du réseau permettent aux acteurs régionaux de se comparer aux autres régions et de déployer des actions locales si nécessaire.
- Les données sont accessibles en temps réel sur le site de la mission : www.antibioresistance.fr dans les rubriques « Analyses » et « Cartographie ».
Limites et biais
- La mission nationale ne recueille les données que pour environ 25% des LBM de France métropolitaine.
- Il existe une grande variation régionale de participation (70,5% des LBM en région Pays de la Loire et 5,9% en Île de France) et on note l’absence de participation de certains départements métropolitains.
- Aucune donnée recueillie pour les territoires ultramarins.
Perspectives
- Poursuivre l’extension du réseau notamment vers les départements métropolitains et les départements d’outre-mer absents de la surveillance.
- Collaborer avec les nouveaux centres régionaux de bon usage des antibiotiques.
- Valoriser les données auprès des professionnels de santé pour une meilleure prescription des actes de biologie et des antibiotiques.
- Participer à des travaux de recherche sur la résistance aux antibiotiques avec les acteurs institutionnels du domaine (Anses, Inserm, CNR…).
- Collaborer avec les réseaux de surveillance en santé animale et de l’environnement dans une démarche « One Health ».
- Proposer des formations par webinaires pour les microbiologistes du réseau.
- Développer l’e-outil pour améliorer l’analyse des données et les comparaisons aux autres réseaux de surveillance notamment en santé animale.
Derniers rapports
Les rapports de la mission Primo peuvent être téléchargés sur le site antibioresistance.fr :
- Mai 2021 : Surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques en soins de ville et en établissements pour personnes âgées dépendantes – Données 2019 (SPF, Mission Primo).
- Novembre 2020 : Surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques en soins de ville et en établissements pour personne âgées dépendantes (Mission Primo. Résultats préliminaires 2019).
Les données du réseau sont en accès libre sur le site internet de la mission.