Le progrès technologique et la e-santé ont modifié considérablement le paysage médical ces dernières années et ont ouvert des perspectives considérables, en particulier pour la prise en charge des patients ambulatoires. L’engagement et l’autonomisation du patient dans sa prise en charge tout au long de son parcours de soins, prônés dans le cadre de la démocratie sanitaire, se sont ainsi affirmés. Dans ce cadre, le Programme national pour la sécurité des patients1 (ministère de la Santé et de la Prévention, Haute Autorité de santé [HAS]) a préconisé dans l’axe « Information du patient, le patient co-acteur de sa sécurité » de favoriser la participation active du patient à la sécurité de son parcours de soins et lui donner la possibilité de signaler une anomalie. Bien entendu, en regard, les soignants ont le devoir de se former au partenariat soignant/soigné, et de mieux communiquer avec le patient au moment de sa sortie d’établissement (check-list de sortie, HAS2). Cette approche est reprise dans la Stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance, qui mentionne l’information et la formation des patients tout au long de leur parcours de soins.
Le suivi des infections du site opératoire (ISO) représente un bon exemple illustrant cette évolution. Compte tenu du raccourcissement des durées d’hospitalisation et du recours à la chirurgie ambulatoire, un nombre croissant d’ISO surviennent après la sortie de l’hôpital. L’implication proactive du patient dans la surveillance du risque infectieux post-opératoire prend ici toute sa place en renforçant la traçabilité des infections par auto-détection des ISO après la sortie de l’hôpital. Une étude publiée en 2015 à partir des données d’un échantillon du Sniiram avait montré qu’un tiers des ISO survenant après chirurgie prothétique de hanche ou genou survenait en dehors de toute réhospitalisation3.
Bien entendu, cette nouvelle approche ne peut se concevoir qu’encadrée par des outils adaptés et gérés par des professionnels de santé. Une méta-analyse récente montre les avantages des outils numériques de télémédecine et de « santé mobile » (m-Health) pour le suivi ambulatoire des patients opérés. Parmi les moyens proposés, il semble que des applications spécifiques pour téléphone mobile avec possibilité pour le patient de photographier les plaies opératoires présentent des avantages, permettant d’obtenir un taux de détection des ISO de 70% à 100% selon les études.4 L’intérêt des photographies de la plaie prises directement par le patient reste néanmoins à évaluer, surtout si la qualité de l’image n’est pas bonne. Mais les progrès sont en route grâce à l’intelligence artificielle (IA) qui permettrait, en augmentant la qualité de l’image, d’obtenir une meilleure performance de la détection de l’infection au niveau de la plaie opératoire5. Enfin, la connexion à distance à une plateforme numérique permet l’envoi des informations (avec ou sans image) à l’équipe de soins, qui peut ainsi décider de la conduite à tenir en temps réel.
Ces technologies présentent cependant certaines limites car elles supposent un accès facile aux outils numériques et une capacité d’utilisation des usagers, ce qui n’est pas toujours le cas (sujets en incapacité, sujets âgés, ressources financières insuffisantes). D’autre part, elles nécessitent des personnels formés à l’utilisation des plateformes numériques, et une organisation spécifique au niveau des services de soins qui vont réceptionner les messages envoyés par le patient ou son entourage. À cela s’ajoutent les questions habituelles sur la confidentialité et la protection des données numériques individuelles transmises par internet.
Sous réserve des limites énoncées précédemment, il est très probable que l’implication du patient-acteur dans la surveillance des IAS va être facilitée par les nouvelles technologies de l’information dans un avenir proche, compte tenu de la performance et de l’accessibilité croissantes des outils numériques aujourd’hui. Les établissements de santé, tout particulièrement ceux avec activité ambulatoire, doivent dès maintenant s’adapter à ce nouveau défi en améliorant la performance de leur système d’information, en fournissant les ressources humaines et technologiques nécessaires, tout en encourageant une culture de sécurité impliquant les patients et les équipes soignantes. Si le patient 2.0 n’est pas encore né, il est certainement en gestation.
Notes :
1- Ministère chargé de la santé, Haute Autorité de santé (HAS). Programme national pour la sécurité des patients 2013-2017. Paris: Ministère chargé de la santé, 2013. 28 p. Accessible à : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/programme_national_pour_la_securite_des_patients_2013-2017-2.pdf (Consulté le 17-10-2023).
2- Voir Haute Autorité de santé (HAS). Check-list de sortie d’hospitalisation supérieure à 24h. Saint-Denis: HAS, 2015. 1 p. Accessible à : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-05/check-list_sortie_hospitalisation_web.pdf (Consulté le 17-10-2023).
3- Le Meur N, Grammatico-Guillon L, Wang S, Astagneau P. Health insurance database for post-discharge surveillance of surgical site infection following arthroplasty. J Hosp Infect 2016;92(2):140-146. Doi : 10.1016/j.jhin.2015.10.006.
4- Jia Hui Ng H, Huang D, Rajaratnam V. Diagnosing surgical site infections using telemedicine: A Systematic Review. Surgeon 2022;20(4):e78-e85. Doi : 10.1016/j.surge.2021.05.004.
5- Jiang Z, Ardywibowo R, Samereh A, et al. Surgical infections 2019;20(7):555-565. Doi : 10.1089/sur.2019.154.