Hygiènes, notre revue, et sa revue sœur Risques & Qualité publient régulièrement d’excellents comptes rendus d’actions de formation. De plus en plus de programmes innovent par des approches nouvelles (escape game, formation web à distance et bien d’autres). C’est un signe : la formation, et notamment la formation continue, est centrale pour une politique qualité. Elle prend sa place dans la boucle vertueuse que nous connaissons tous : 1) une direction collective vraiment impliquée créant les conditions favorables à l’évaluation et aux changements, 2) la surveillance et l’analyse rigoureuse des forces et faiblesses de l’organisation et des pratiques, et le choix des changements à apporter, 3) la mise en œuvre de stratégies pour obtenir lesdits changements (la formation étant toujours centrale à ce niveau), 4) l’évaluation des progrès réalisés et 5) la gestion des risques qui persistent : repérage, analyse, stratégie d’amélioration et évaluation comme ci-dessus. Dans le cadre de cette boucle, les équipes hospitalières en charge de l’hygiène, de la qualité et de la gestion des risques sont à la manœuvre : de plus en plus, elles s’efforcent de proposer aux personnels des établissements des formations appropriées, en interne ou externalisées.
Tous les secteurs d’activité (recherche, développement, industrie, services, défense…) mettent en œuvre ce même schéma d’amélioration des performances. De ce fait, la formation continue a connu un développement considérable : tous secteurs confondus et selon l’Insee1, les dépenses liées à la formation professionnelle continue (y compris l’apprentissage, il est vrai) atteignent en France plusieurs dizaines de milliards d’euros, dont un tiers pour le secteur sanitaire et social. Cela a conduit le législateur à renforcer l’évaluation des formations, une dimension longtemps négligée. La loi du 24 novembre 2009 et son complément à l’article L. 6353-1 précise : « À l’issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l’action et les résultats de l’évaluation des acquis de la formation ». Préalablement à son inscription définitive à la formation, le participant doit être informé des modalités de cette évaluation. Par la suite, une circulaire DGEFP2 du 14 novembre 2006 en a donné une interprétation plus souple : l’évaluation des actions de formation « doit être mise en œuvre dans des conditions adaptées à la nature ou à la durée de l’action, à son caractère diplômant, qualifiant ou non, etc. […] il appartient à l’initiateur de la formation […] d’en exposer les modalités et de les porter à la connaissance des bénéficiaires ».
Il semble malgré tout que le résultat soit encore insatisfaisant. Plusieurs études anglo-saxonnes et françaises montrent une « rareté » des véritables évaluations, au-delà d’un simple questionnaire de satisfaction générale (Bournazel3). « Les principaux problèmes évoqués ont trait au manque de temps, au manque de connaissances techniques à propos de l’évaluation et des méthodologies d’évaluation, au manque de soutien de la part des cadres opérationnels percevant l’évaluation comme une perte de temps, au manque de clarté des objectifs définis pour l’évaluation, au fait que les évaluations sont souvent conçues après-coup alors qu’elles devraient être pensées en amont de la formation pour être réellement utiles. »4 Bien que les hygiénistes s’efforcent de mettre en œuvre des évaluations plutôt avancées, il y a encore une marge d’amélioration si on se réfère au modèle proposé en 1959 par Kirkpatrick5, modèle dont nous nous inspirons pour vous proposer les cinq niveaux suivants :
Dans un monde idéal, l’ensemble de nos actions de formation devraient être évaluées sur leurs résultats (niveau 5). En réalité ce n’est ni toujours possible, ni toujours nécessaire. En revanche, efforçons-nous de progresser vers des niveaux d’évaluation plus exigeants, au-delà de la simple satisfaction des participants. Cela nous sera utile comme formateurs, et utile à ceux qui s’inspireront de notre expérience pour initier des formations nouvelles.
Notes :
1- Institut national de la statistique et des études économiques.
3- Bournazel A. La formation professionnelle : gestion et évaluation. La pentagone de la formation. Paris: Sefi, 2006. 380 p.
4- Gilibert D, Gillet I. Revue des modèles en évaluation de formation : approches conceptuelles individuelles et sociales. Pratiques Psychologiques 2010;16:217-238.
5- Kirkpatrick DL. Techniques for evaluating training programs. Journal of American Society for Training and Development 1959;13:3-9.