Edito | GERES : un succès qui dure

élisabeth bouvet

élisabeth bouvet

Professeur émérite –Université Paris-Cité –Paris – France
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Le GERES est né d’une démarche empirique lancée par les soignants pour améliorer leur sécurité et travailler sans crainte. Il a répondu à un besoin et a permis d’aider à trouver des solutions pratiques en termes d’organisation, de matériels et de prise en charge. Les professionnels concernés par le risque ont toujours été associés à l’élaboration des solutions proposées. Face au risque nouveau que représentait le sida dans les années quatre-vingt-dix, les soignants se sont mobilisés pour inventer les conditions de leur propre sécurité en même temps que les patients agissaient pour obtenir des traitements efficaces et accessibles.

Il y avait alors un besoin impératif et urgent !

La crédibilité du GERES dès ses débuts, tant vis-à-vis des autorités sanitaires que des soignants, est née de cette double demande urgente : celle des soignants vis-à-vis de leur sécurité et celle des autorités sanitaires désarmées par les contaminations professionnelles rapportées et l’absence de cadre réglementaire pour la prévention du risque dans les soins. Carte blanche fut donnée au GERES pour accompagner les soignants dans une démarche active de prévention. La réduction considérable du nombre d’accidents d’exposition au sang (AES) et du risque de contamination professionnelle par AES entre 1990 et 2000 a été mise au crédit du GERES qui reste aujourd’hui pour les professionnels un interlocuteur privilégié et une boîte à outils de leur sécurité.

Même si l’adhésion des professionnels aux autres actions du GERES, notamment en matière de masques de protection respiratoire et plus récemment dans le champ des vaccinations est nettement moins affichée, la notoriété du GERES chez les soignants, les hygiénistes et les médecins du travail et la perception positive de ses actions reste vivace. La position intermédiaire du GERES, avocat de la cause des soignants en matière de risque professionnel et interlocuteur des autorités sanitaires dans ce champ, aux côtés des autres associations de lutte contre le sida est un atout précieux pour ses futures actions.

Alors qu’actuellement le risque de contamination professionnel par virus hématogène, VIH, VHC, VHB est devenu infime en France grâce à de multiples facteurs indépendants de la prévention des AES, le modèle qu’a représenté le réseau GERES, et ses modes d’actions sur le terrain, reste un exemple de collaboration pluriprofessionnelle efficace. Ce modèle perdure et témoigne d’une possibilité de travail en commun des soignants, des professionnels de la santé au travail, des hygiénistes et des spécialistes infectiologues et microbiologistes au sein des professionnels des établissements de santé.

Les fondements ont été créés. Ils persistent et peuvent être utilisés pour d’autres actions

Le secret de la réussite vient en grande partie de la genèse même de l’initiative originelle en matière de sécurité des soins venant des professionnels et non pas de la réponse à une proposition des autorités sanitaires. Le GERES pourra poursuivre ses actions si les thèmes qu’il aborde sont perçus comme cruciaux par les professionnels de terrain, et que ces professionnels participent à la démarche d’analyse et aux propositions de solutions. Il faut aussi, et c’est un des facteurs limitants, que des jeunes professionnels, médecins, IDE, médecins du travail, hygiénistes rejoignent l’équipe déjà ancienne et vieillissante du GERES pour redonner une nouvelle vigueur à la dynamique qui était née de la conjonction de la constatation d’un risque nouveau et de la nécessité de réunir des forces du terrain pour combattre ce risque.

Est-il encore possible en 2024, au sein de toutes les instances déjà existantes ayant pour mission la sécurité des soins, de voir émerger des initiatives de terrain émanant des professionnels eux-mêmes et de fédérer ces interrogations dans un réseau pluriprofessionnel ?

De fait, de nouvelles pandémies sont possibles, et donc de nouveaux risques pour les soignants sont toujours à craindre, mettant en jeu des modes de transmission à identifier qui pourraient conduire à des actions nouvelles de prévention dans les structures de soins. Dans ce cas, Le GERES devra répondre toujours présent comme il l’a fait pour la Covid-19 puis pour la monkeypox et réactiver ses relais hospitaliers afin de participer aux actions d’information et de lutte auprès des professionnels de terrain

Néanmoins, d’autres problèmes de nature différente se font jour, et concernent l’adhésion des professionnels aux moyens de prévention spécifiques, en particulier les vaccinations des professionnels eux-mêmes, vis-à-vis des infections respiratoires, grippe et Covid-19 et la défiance vis-à-vis des autorités que cela reflète. Ces attitudes et comportements laissent entrevoir une résistance tenace et grandissante vis-à-vis de la vaccination, en exutoire d’un malaise profond des professionnels de santé, au sein de la société et en particulier dans les établissements de santé.

Le GERES doit jouer un rôle positif dans ce combat contre l’hésitation vaccinale et la suspicion vis-à-vis des autorités de santé